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Compte-rendu : Andras Schiff au TCE - La vérité sur Schubert


Andras Schiff met un certain temps à trouver les chemins des Moments musicaux. Il doit entrer dans ce voyage Schubert et nous y faire entrer. Programme magique, guère tenté avant lui, les deux cahiers d’Impromptus que précèdent Moments musicaux puis Klavierstücke, ce que Schubert a écrit de plus intime pour son instrument, et en même temps de plus projeté en terme d’imagination avec les ultimes sonates. Schiff va à pas comptés, refuse tout brio – son Bösendorfer un peu mat, un peu aigre, l’y aide – n’y met aucun sourire. Il laisse le sens lyrique de Schubert s’exalter peu à peu jusqu’à des Klavierstücke tendus de l’intérieur, fabuleux de profondeur dans leurs entre-chien-et-loup, crépusculaires et visionnaires.

Admirable pas seulement par la poétique mais aussi par la technique : cette science de la pédalisation qui va jusqu’à l’art de s’en passer, ce legato qui méprise les lois du double échappement, cette subtilité digitale sans aucune affectation, ce sens de la ligne qui resserre tout sans que l’air manque jamais, c’est la signature d’un tout grand pianiste évoluant dans son univers, jouant modestement pour lui et nous désarmant.

En bis Mélodie hongroise infiniment nostalgique, Grazer Galop à peine enjoué ; pas Andras Schiff : Schubert tel qu’en lui-même. Que le disque vienne fixer ce songe, vite.

Jean-Charles Hoffelé

Paris, Théâtre des Champs-Elysées, 1er février 2011

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Photo : DR

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