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Compte-rendu : 4ème Festival Contrepoints 62 - De Westminster à Boulogne

Moment phare d'une saison – Les orgues chantent en Pas-de-Calais – couvrant l'ensemble de l'année et du département, le Festival Contrepoints 62 a respiré en 2009 au rythme des échanges entre riverains de la Manche. Voulu et choyé par le Conseil général, le Festival a introduit cette année une politique de tarif unique plus qu'incitative : 2 €uros (gratuité pour les scolaires). Les concerts d'inauguration, par le Chœur du New College d'Oxford puis l'Amsterdam Baroque Orchestra de Ton Koopman, ont fait salle comble, succès public confirmé lors des autres manifestations.

Ouvert à Oignies par Michel Bouvard et le Chœur de Chambre du Maine, le deuxième week-end de cette 4ème édition s'est poursuivi avec un récital trompette et orgue, occasion de réentendre le Quoirin inauguré l'année dernière au Touquet (cf. compte rendu du 28 septembre 2008). Couronné aux Victoires de la Musique classique 2009, le trompettiste Romain Leleu en était l'un des solistes, avec comme mise en bouche le périlleux Concerto en fa d'Oskar Böhme (1870-1938) : le bel canto instrumental tel que perçu dans les pays germaniques au tournant du siècle. Un choix audacieux en début de programme, mais qui d'emblée permit de juger du talent du soliste : virtuosité, souffle inépuisable, souplesse des phrases largement déployées, digitalité – les attaques se faisant de plus en plus sûres au fil du concert.

En marge de toute approche philologique, les pages de Caccini, Bach et Gluck (en bis) ou l'Aria de Jean Rivier furent autant de moments "extatiques" dédiés au souffle et à la richesse du timbre. Aux claviers (chaque concert du Festival est retransmis sur nombre d'écrans plats – formidable régie mise à disposition par le Département), l'un des deux titulaires de l'instrument : Ghislain Leroy. Force est de reconnaître que ce Quoirin n'est pas à l'aise dans la musique ancienne ; le non moins périlleux Concerto en ré mineur de Bach en fit un peu les frais, irréprochable de mise en forme textuelle et notamment rythmique, mais d'une souplesse et d'un style trop comptés. Les deux très beaux moments de ce récital furent une Seconde Fantaisie captivante et racée de Jehan Alain, que Leroy aborda de façon étonnamment romantique – d'un coup la palette instrumentale respira – et la vertigineuse Tanz-Fantasie pour trompette et orgue de Thierry Escaich, idéalement pensée pour chacun des instruments et d'une vive tension dramatique. De volubiles variations très XIXe siècle d'après Haendel, follement virtuoses et d'un réel pouvoir de séduction, refermèrent en beauté un programme composite mais indéniablement attractif pour le public.

Changement de décor, le lendemain à la cathédrale de Boulogne-sur-Mer, et bonheur complet avec Voces8, formation a cappella réunissant d'anciens choristes de Westminster Abbey. Double quatuor vocal, à l'instar des Swingle Singers que les Voces8 évoquent à maints égards – ou les Andrews Sisters et leur réincarnation moderne et hautement sophistiquée : les irrésistibles Puppini Sisters, perfectionnistes de la troublante technique des années 1940 dite Close Harmony –, la formation britannique témoigne d'une aisance tout simplement incroyable à la fois dans le répertoire jazzy et les œuvres des maîtres "classiques". De Gershwin à Nat King Cole, de Al Jolson (Me and My Shadow) à Otis Blackwell (inoubliable Fever), le So Jazzy, So British, selon l'intitulé du programme, fit merveille. À ceci près que, formé à la musique ancienne, classique, romantique et contemporaine, l'ensemble se montra tout aussi à la hauteur dans les pages de Byrd, Bruckner, Rheinberger ou Gorecki – jusqu'au magistral Nunc Dimittis de Holst, l'auteur du célèbre cycle symphonique The Planets, et plus encore l'un des grands Motets de Bach, Singet dem Herrn, BWV 225, d'une fantastique acuité dans cette réduction à huit voix sans accompagnement : un défi relevé avec une classe et un cran confondants.

Entre les pages vocales, Alexander Mason improvisa sur le bel orgue de la cathédrale (Schwenkedel, 1974 ; Aubertin, 1992), annonçant ou répondant au chœur. Un beau métier, pas mal de convention – sauf dans I Got Rhythm de Gershwin où vraiment cela swinguait en beauté ! – le but étant avant tout de créer une alternance et un climat ouvertement crossover. Chacun des membres de Voces8 présenta, à tour de rôle et en français, les pièces interprétées, avec un charme et un humour qui ne pouvaient que faire mouche, jusqu'au bis façon medley infiniment pince-sans-rire d'opéras : un régal. Enregistré par France Musique pour l'émission Organo Pleno de Benjamin François et diffusé le mardi 6 octobre, ce concert féerique pourra être réécouté en ligne, mais pas le medley, hélas !, pour cause de programme trop généreux…

Michel Roubinet

Festival Contrepoints 62 : concerts des 26 (Le Touquet) et 27 (Boulogne-sur-Mer) septembre 2009

Sites Internet :

Romain Leleu :
http://www.romainleleu.com/

Ghislain Leroy :
http://www.ghislainleroy.org/Accueil.html

Voces8 :
http://www.voces8.com/

Organo Pleno (prochaines émissions) :
http://sites.radiofrance.fr/francemusique/em/organo-pleno/avenir.php?e_i...

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Photo : DR
 

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