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Ciboulette de Reynaldo Hahn à l’Opéra Comique - Rien que du bonheur ! - Compte-rendu

Avant le lever de rideau, Jérôme Deschamps, en grand ordonnateur, crée un effet de surprise en accueillant sur l’avant-scène la soprano Geori Boué (94 ans) qui triompha Salle Favart dans le rôle de Ciboulette autour des années 50. Dans le prolongement des acclamations, le directeur de l’Opéra Comique – il jouera son propre rôle parlé à l’acte III – annonce ne pas être en voix aujourd’hui « comme cela arrive parfois aux plus grands astres du chant ! ». Manière humoristique de mettre le public en condition.

Un superbe moment de théâtre l’attend grâce à la direction d’acteur de Michel Fau, huilée comme une comédie de Courteline. Cette mécanique imparable évolue dans des décors d’époque entre Halles Baltard, campagne d’Aubervilliers sur le mode de cartes postales d’antan, méli-mélo de cageots du Carreau des Halles dans lequel évolue avec malice la piquante Madame Pingret de Bernadette Lafont, poissonnière charismatique à la gouaille de diseuse de bonne aventure.

Dans des costumes rappellant le Second Empire se succèdent hussards goguenards, coquettes, bourgeois encanaillés, paysans, ou encore, en crinoline, la courtisane Zénobie et son chien miniature. En robe-panier verte, l’inénarrable Michel Fau, Comtesse de Castiglione et caricature de la Castafiore, entonne dans l’hilarité générale la mélodie de Hahn « Mon Rêve était d’avoir un amant », tout en dialoguant avec un Jérôme Deschamps plus Deschiens que nature.

Tour à tour piquante et virevoltante, Julie Fuchs réalise une performance de haut vol : Ciboulette à la présence scénique communicative, elle se montre capable de passer sans transition du personnage de la maraîchère à celui de la chanteuse Conchita Ciboulero avec un style parfait et un esprit toujours en éveil.

Le jeune Antonin de Julien Behr, belle ligne de chant, caractérise bien le personnage de l’amoureux transi avec l’enthousiasme de la jeunesse et une naïveté de benêt finalement récompensée. Grand format pour le rôle de Duparquet (le contrôleur des Halles qui tire les ficelles de l’intrigue), Jean-François Lapointe, voix assurée, raffinée, profonde, d’une subtilité constante, sait alterner amertume, mélancolie, fantaisie avec une aisance de tous les instants (la scène de la lettre à l’acte II : « C’est tout ce qui me reste d’elle » où il apparaît en Rodolphe vieilli de La Bohême offre un rare moment d’émotion). Les autres protagonistes participent également à la réussite d’ensemble du spectacle : Jean-Claude Sarragosse et Guillemette Laurens en Monsieur et Madame Grenu, maraîchers campés avec un humour décapant, ainsi que les chanteurs de l’Académie de l’Opéra Comique (Zénobie d’Eva Ganizate, Roger de Ronan Debois, Françoise de Cécile Achille, François Rougier à la fois Maire et Patron de café, ou encore le Victor de Patrick Kabongo Mubenga).

Dans la fosse, l’Orchestre symphonique de l’Opéra de Toulon s’adapte à la fraîcheur d’une musique irrésistible d’invention mélodique. A sa tête, Laurence Equilbey prend ses marques progressivement, préférant un respect scrupuleux de la partition à une interprétation plus canaille ; toutefois, par l’équilibre et l’élégance de sa direction, elle finit par emporter l’adhésion. Le chœur Accentus est électrisé par Christophe Grapperon (également assistant musical pour la préparation des deux airs populaires « Le Refrain du Muguet » et « La Valse de Ciboulette » chantés avec les artistes par des volontaires issus du public). Un spectacle à marquer d’une pierre blanche dans les annales de l’Opéra Comique. A consommer sans modération !

Michel Le Naour

Hahn : Ciboulette - Paris, Opéra Comique, 16 février, prochaines représentations les 20, 22, 24 & 26 février 2013.

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Photo : Elisabeth Carecchio

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