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Christophe Falzone en récital à l’Athénée - Les couleurs du présent - Compte-rendu


Période chargée pour Christopher Falzone (Premier Prix du 9ème Concours international de piano d’Orléans en 2010), occupé depuis le début du mois par une tournée en Région Centre qui s’achèvera le 6 décembre prochain à Orléans. La présence du jeune Américain (né en 1985) en France lui donne aussi l’occasion d’un premier récital parisien où l’on prend la mesure de son évolution, très positive, que ce soit par rapport à ses prestations en public l’an passé, ou même à son beau CD Enesco-Sharlat(1) réalisé en janvier dernier.

Tout entier concentré sur la musique dans laquelle il s’apprête à se plonger, Falzone rejoint vite son instrument et attaque un récital pour le moins original. La Fantaisie sur un Ostinato de John Corigliano (écrite pour le Van Cliburn en 1985) est bien plus qu’une « pièce de concours », d’autant que l’interprète en maîtrise l’hypnotique écoulement avec un sens de la couleur et un magnétisme qui ne rendent que plus saisissante l’apparition du thème de l’Allegretto de la 7ème Symphonie de Beethoven à la fin du morceau.

Signée Falzone, une transcription pleine de chic de la Sonate K. 141 de Scarlatti tient lieu de transition vers la Sonate n°3 de George Enesco. L’influence de la musique française s’exprime clairement dans une composition où l’on perçoit l’étendue et le raffinement d’une palette sonore qui dévoile de séduisants horizons poétiques dans un opus très rare au concert.

Pas plus en tout cas que la Deuxième Sonate pour piano d’André Jolivet, ouvrage de 1957 dont Falzone déjoue les redoutables pièges pour en affirmer, avec une évidente jubilation intellectuelle, la densité et la rigoureuse construction. Puisse l’artiste se prendre de passion maintenant pour la Première Sonate de l’auteur du Chant de Linos et la défendre de manière aussi convaincante – et, tant qu’à faire, qu’il ajoute donc aussi la géniale suite Mana à son répertoire !

Ce sont là des pages plus indispensables que la Lulu-Rhapsodie (2003) de Yevgeniy Sharlat dont le jeu nuancé et les coloris toujours renouvelés de Falzone ne sauraient occulter le caractère un brin bavard. Contraste saisissant avec les Trois Mouvements de Petrouchka de Stravinski que l’interprète attaque immédiatement – à ce propos, il lui faudrait apprendre a parfois laisser un peu d’ « air » à ses auditeurs… Rien sous ces doigts inspirés du tranchant « soviétique » que l’on inflige souvent à cette oeuvre, mais une approche dont la fluidité, la félinité presque, le caractère chorégraphique et le rejet du tape-à-l’œil, soulignent une aptitude à défendre des options singulières dans un répertoire archi-rebattu.

Ce jeu excelle dans la musique du présent ou d’un passé récent, mais, les bis le prouvent, il convient tout autant au Liebesleid de Kreisler/ Rachmaninov, élégant et sans aucun excès de glucose, ou au Scherzo du 2ème Quatuor avec piano de Fauré, merveilleusement transcrit par l’Américain. Un bis que Christopher Falzone dédie à la fondatrice du concours qui l’a révélé au public français : Françoise Thinat.

Alain Cochard

(1) 1 Double album Sisyphe019 /dist. Abeille Musique

Paris, Athénée Théâtre-Louis Jouvet, 14 novembre 2011. Tournée en Région Centre, jusqu’au 6 décembre 2011, programme détaillé sur : www.oci-piano.com

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Photo : DR

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