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Christianne Stotijn en récital à l’Opéra du Rhin - L’Echo des poètes - Compte-rendu

La mezzo Christianne Stotijn (photo) ouvre la riche saison de récitals de chant de l’Opéra du Rhin. Original et ambitieux, son programme, intitulé « The Poet’s Echo », fait la part belle aux poètes, à Rilke et Pouchkine en particulier. La chanteuse néerlandaise aime surprendre et défricher de nouvelles terres : elle nous offre ici un bouquet de cinq mélodies de Rimski-Korsakov mais aussi, plus inattendues encore, des pages américaines signées Charles Ives, Aaron Copland, Leonard Bernstein, Samuel Barber ou Amy Beach.
Vraie polyglotte, Stotijn possède, de surcroît, un goût affirmé des textes et de la sémiotique ; elle connaît les nuances, les couleurs, la musique des langues. Anglais et russe dominent son récital, mais on y entend en outre de l’allemand, avec quatre lieder de Charles Ives (Weil’ auf mir, Du alte Mutter, Ich grolle nicht, Feldeinsamkeit), et du français dans les Mélodies passagères sur des poèmes de Rilke de Barber. Et c’est déjà dans un français impeccable que la chanteuse présentait son récital.
 
Stotijn est tout sauf une diva ; sobrement vêtue elle se présente au public sans aucune afféterie, accompagnée par Joseph Breinl, magnifique compagnon de route pour ce périple poétique.
L’allemand des poèmes de Nikolaus Lenau, Hermann Allmers ou encore Heinrich Heine mis en musique par Ives qui ouvrent la soirée, montre un parfait sens des mots. On reste bien plus réservé en revanche sur les aigus, difficilement négociés mais compensés par une musicalité et une science du texte admirables. Suivent les Mélodies passagères op. 27 de Barber (Rilke) dont Puisque tout passe, Un cygne et Départ réussissent mieux à la chanteuse que les carillons, trop stridents, du n°3 Le clocher chante.
Reste que l’on est bien plus convaincu par les quatre extraits des Emily Dickinson Songs de Copland (Why do they shut me out of Heaven ?, The world feels dusty, There came a wind like a bugle, Going to Heaven !), qui referment la première partie avec une prégnante urgence.
 
Après la pause, l’expressivité et les couleurs des Rimski-Korsakov/Pouchkine (La chaîne de nuages..., Géorgienne, Ma voix pour toi..., Echo, Toi et vous) montrent l’interprète à son aise, avec un grave et un medium d’une belle souplesse. Magnifique Écho, qui a inspiré le titre du récital et que Stotijn livre avec émotion. Partagée entre les Two Love Songs de Bernstein (Rilke) et les Three Browning Songs op. 44 d’Amy Beach (1867-1944), la fin du récital laisse plus réservé sur le plan vocal (aigus souvent trop bas et presque criés), bien que l’on se réjouisse d’entendre des œuvres rarement données.
 
En bis, Christianne Stotijn a choisi « Le Coucou » de Tchaikovski, tiré des Seize chansons pour enfants, dont elle raconte chaleureusement l’histoire au public et au petit garçon venu sur scène offrir le traditionnel bouquet de fin de récital. Libérée de sa partition, dans un registre plus léger, la mezzo retrouve son aisance et déploie toute sa force expressive.
 
Prochain récital à l’Opéra du Rhin le 18 décembre, avec la mezzo Alice Coote (Christian Blackshow, piano) dans un programme à dominante germanique (Brahms, Tchaïkovski, Haydn, Schubert, Mahler).
 
Gaëlle Le Dantec

Strasbourg, Opéra, 20 octobre 2018 / operanationaldurhin.eu/fr

© Stephan Vanfleteren

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