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Boulez-Messiaen : une filiation fertile - 13e Festival Messiaen au pays de la Meije - 3 Questions à Gaëtan Puaud, directeur artistique

Comment la perception de la musique d’Olivier Messiaen, tant chez les interprètes que parmi le public, a-t-elle à votre avis évolué depuis la naissance du Festival de la Meije ?

Gaëtan PUAUD : Quand nous avons débuté le festival, nous n’avions affaire qu’à des « spécialistes » de Messiaen. Je me souviens que, la première année, nous avions invités Pierre-Laurent Aimard et Roger Muraro. L’édition 2010 montre que la palette des interprètes s’est considérablement élargie. Wilhem Latchoumia, Marie Vermeulin, etc., toute une génération de gens autour de 20-30 ans s’approprie l’œuvre de Messiaen sans complexe. Je suis heureux de constater qu’il devient un auteur du répertoire. Le thème retenu pour le festival cette année m’a permis de mesurer la différence entre la musique de Boulez, où j’ai eu du mal parfois à faire adhérer les interprètes à des demandes sur des œuvres précises, et celle de Messiaen. Qu’en sera-t-il pour Boulez dans dix ans, je n’en sais rien, mais en tout cas mettre du Messiaen à son répertoire ne pose aucun problème à un jeune interprète.
Le Festival de la Meije accueille un public très diversifié : des gens du village aussi bien que des auditeurs parfois venus spécialement des Etats-Unis ou du Japon. C’est un public réceptif, enthousiaste ; des mélomanes curieux de la musique actuelle et qui viennent ici pour rencontrer des œuvres que l’on n’a pas souvent l’occasion de rencontrer, en particulier en province. Moi qui suis Nantais, je peux en parler. Par ailleurs nous avons mené et nous poursuivons un travail pédagogique sur les œuvres programmées Nous avons pu donner trois fois Vortex Temporum de Gérard Grisey car dès la première exécution l’accueil s’est révélé enthousiaste. L’habitude a été prise de redonner des œuvres du répertoire contemporain qui nous paraissent importantes.

Le thème de l’édition 2010 est « Boulez-Messiaen : une filiation fertile ». Comment avez-vous conçu votre programmation ?

G.P. : J’ai fait selon mon habitude : j’essaie de raconter une histoire. Il y a longtemps que j’avais envie de raconter celle de la rencontre entre deux compositeurs majeurs du XXe siècle : Pierre Boulez et Olivier Messiaen. C’est d’autant plus intéressant que le parcours de Boulez n’est pas celui d’un disciple. Il y a une relation de filiation, d’où l’intitulé de ce 13e Festival, mais pas du tout de disciple. Chacun a gardé sa personnalité et chacun a été influencé par l’autre, c’est certain. Je suis persuadé que l’œuvre de Messiaen n’aurait pas pris l’orientation qu’elle a prise dans les années 1950 sans Boulez, et vice versa. Il s’agit d’une relation d’influence réciproque et c’est ce qu’il m’a semblé intéressant de montrer. J’ai évidemment présenté à Pierre Boulez, il a deux ans, la programmation que j’avais mise au point ; il l’a acceptée sans aucune modification – si ce n’est parfois sur l’ordre des œuvres dans tel ou tel programme.
J’ai par exemple juxtaposé les Visions de l’Amen et le 2ème Livre des Structures. Les Visions de l’Amen sont une partition que Boulez aime et puis la relation avec Yvonne Loriod était incontournable. La première œuvre a été créée avec Olivier Messiaen en 1943, l’autre avec Pierre Boulez en 1961. Nous rendrons évidemment un grand hommage à Yvonne Loriod, le 1er août. J’ai par ailleurs ajusté la 3ème Sonate de Boulez (1957) avec des extraits du Catalogue d’oiseaux (1958). Le Catalogue a été créé au Domaine musical et, stylistiquement, il est très intéressant de comparer les deux œuvres, c’est je pense l’une des premières fois que ça se fait.

Le Festival de la Meije joue Messiaen et d’autres auteurs, tel Boulez cette année, mais comporte aussi un volet « création ». A quels compositeurs d’aujourd’hui avez-vous fait appel cette année ?

G.P. : Je commande toujours une œuvre avec l’interprète disposé à la donner. Je savais que Marc Coppey aime comme moi beaucoup Frédéric Durieux et, avec Marc, nous lui avons donc demandé d’écrire un ouvrage pour huit violoncelles qui sera donné dans le même concert que Messagesquisse de Boulez, qui présente une nomenclature à peu de choses près similaire.
La seconde commande a été passée au jeune Japonais Dai Fujikura, avec Hae-Sun Kang, la violoniste de l’Ensemble intercontemporain : une pièce pour violon solo. De plus en plus d’interprètes suivent notre démarche et les commandes sont toujours liées à ces personnalités.

Propos recueillis par Alain Cochard, le 21 juillet 2010

13e Festival Messiaen au pays de la Meije
Du 31 juillet au 8 août 2010
La Grave – Hautes-Alpes
Infos : www.festival-messiaen.com

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Photo : DR
 

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