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« Beethoven Labyrinthus » au Centre de Musique de Chambre de Paris / Salle Cortot – Dans la tête de Ludwig – Compte-rendu

Point de départ de Jérôme Pernoo et Marianne Pernoo-Bécache dans la conception du nouveau concert-spectacle du Centre de Musique de Chambre de Paris, la Grande Fugue pour quatuor à cordes op. 133 explique son intitulé : « Beethoven Labyrinthus ». Par-delà le labyrinthe, d’une rare complexité, de cette partition, c’est plus globalement dans celui de l’existence du compositeur allemand que le spectateur est invité à se glisser. Allegro con brio du Trio op. 1 n° 3, Finale de la Sonate « A Kreutzer », Allegro assai de l’ Appassionata », Adagio de la Sonate pour violoncelle et piano op. 102 n° 2 constituent les autres étapes d’une sorte de précipité de la vie de l’artiste où l’accent est beaucoup mis sur l’humiliation de la surdité.

« Beethoven Labyrintus » sait toutefois éviter le pathos, la pleurnicherie, la pesanteur façon « le drâââme de ma surdité ». Beethoven se raconte (excellent texte de Jérôme Pernoo et Jean Rubak dit par Claude Guyonnet) (1) sans chercher à ce que l’on s’apitoie sur son sort, à la foi bougon et capable de traits d’humour. Un formidable travail de vidéo mapping signé Carolyn Laplanche offre un contrepoint visuel toujours pertinent – très drôle, la manière dont la déception de Beethoven face au sacre de Napoléon est suggérée vaut à elle seule le déplacement.

Kojiro Okada © CMCM-JDucros

Reste que c'est d'abord pour la musique et la prestation, comme toujours bluffante de qualité, des jeunes musiciens du Centre qu’il faut découvrir « Beethoven Labyrinthus ». Pour la jeunesse et le style parfait du Trio Op. 1 n° 3 (par Ryo Kojima, violon, Jean-Baptiste Maizières violoncelle, et Kojiro Okada, pianiste de 19 ans, frère du violoniste Shuichi Okada que l’on a souvent applaudi à Cortot), pour l’aplomb et l’intensité que Raphaëlle Moreau, sœur cadette d’Edgar, met dans le Presto de la « Kreutzer »,  avec la complicité de K. Okada au clavier. On découvre aussi ce dernier en soliste dans le premier mouvement de l’ « Appassionata » : son interprétation manque d’un peu de noirceur et de tension dramatique le soir de la première mais apparaît remarquablement structurée – avec de tels moyens, osez votre Beethoven, jeune homme, nul ne vous le reprochera ! On ne résiste pas en revanche au sens du dialogue que le pianiste montre au côté de J.-B. Maizières dans l’Adagio de l’Opus 102 n° 2, aussi simple que frémissant de poésie.

Comme toujours au CMCP, c’est de mémoire que les musiciens jouent et... c’est donc de mémoire qu’ils interprètent en conclusion la Grande Fugue op. 133. Sacré défi, relevé avec un maîtrise proprement scotchante ! Arianna Smith (alto) rejoint R. Moreau, R. Kojima et J.-B. Maizières : autour du violoncelliste, les trois autres archets, debout, évoluent en permanence, apportant relief, dynamisme et lisibilité à la pièce, avec autant de sûreté que de musicalité. Au Centre de Musique de Chambre, la musique se regarde aussi. 
« Beethoven Labyrinthus » tient l’affiche jusqu’au 26 janvier, ne le manquez pas !

Alain Cochard

(1) La musicologue Elisabeth Brisson a apporté ses conseils à l’élaboration du spectacle.
 
« Beethoven Labyrinthus », Paris, salle Cortot, le 10 janvier, prochaines représentations les 17, 18, 19, 24, 25 et 26 janvier 2019 (à 21h) // www.centredemusiquedechambre.paris/concerts/beethoven-labyrinthus/

Photo © Anastasya Kobekina

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