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Béatrice et Bénédict au Théâtre du Capitole – Avec quelques ajouts - Compte-rendu

Ne blâmons pas Richard Brunel d'avoir tenté de combler les vides dont a toujours souffert Béatrice et Bénédict, dernier ouvrage lyrique du génial Berlioz. Adapté de façon lacunaire, ce retour à l'auteur tant admiré, Shakespeare, pose des problèmes à ceux qui veulent porter au plateau une comédie tirée de Beaucoup de bruit pour rien. Brunel, qui s’en explique dans le programme, a donc décidé de mettre un peu d'ordre dans la partition en ajoutant notamment du texte pour mieux relier certaines scènes entre elles, en en remaniant d'autres et en donnant plus d'épaisseur à certains personnages quitte à en ajouter, tel celui de Don Juan.
Le résultat sans être parfait, tient ses promesses, même si malgré ces retouches, plusieurs interventions chorales restent pesantes et que l'assommante scène du mariage avec son « Bon vin de Sicile » manque de faire retomber l'attention. La direction de Tito Ceccherini, souple, virtuose et tendre dans les grands moments suspendus qui rappellent Les Troyens, le duo « Nuit paisible et sereine » est en effet proche de « Nuit d'ivresse et d'extase infinie », totalement en accord avec la mise en scène, est à la fois solidement construite et aussi pétillante que si elle était improvisée.
 

Julie Boulianne (Béatrice), Joel Prieto (Bénédict) © Patrice Nin

L'action prend racine dans une église-refuge à la toiture bombardée où se sont rassemblés les habitants d'un village en guerre qui attendent fébrilement le retour de leurs combattants vainqueurs. Avec ces matelas jetés à la hâte, ces baquets où viendront se laver les soldats, ces grandes armoires, le plateau parfois encombré se modifie à mesure que l'intrigue se resserre et que la célébration du mariage de Claudio et de Héro ne soit annulée. Le soleil méditerranéen réchauffe alors l’espace transformé sous nos yeux, les armoires couchées devenant table de banquet, le voile de la future mariée, arrivée comme un ange du ciel, retenue par quelques filins invisibles, servant à napper l'ensemble, tandis qu'au lointain quelques branches fleuries joliment éclairées par Laurent Castaingt, finissent de composer ce subtil décor.
 
Entièrement renouvelée par rapport à sa création en mars dernier à Bruxelles (au moment de l'attentat de Molenbeek) la distribution bien qu'inégale, comporte quelques bons éléments. Et en premier lieu la remarquable Béatrice de Julie Boulianne, onctueuse de timbre et au fort tempérament, qui revêt d'une troublante mélancolie sa participation au sublime duo avec Ursule « Nuit paisible et sereine », ensorcelle pendant le trio « Je vais d'un cœur aimant » et s'empare avec élégance et style de l'air chaotique, mais merveilleux « Dieu que viens-je d'entendre », à l'écriture typiquement berliozienne.
Le léger accent américain de Lauren Snouffer, audible seulement dans les passages parlés, ne pénalise pas le personnage de Héro, qu'elle interprète avec une franchise et une conviction très bienvenues. Ursule enfin, dernier rôle féminin un peu sacrifié il est vrai, revient à la jeune italienne Gaia Petrone, correcte.
Le Bénédict de Joel Prieto a de la prestance, malgré un fort accent espagnol, qu'il soit en caleçon, en robe ou en costume, son jeu vif et son chant plein d'énergie, beau rondo « Ah je vais l'aimer », venant compenser quelques imperfections vocales.
 Aimery Lefèvre est un Claudio encore un peu vert, mais qui tend à s'affirmer en cours de représentation, alors que Thomas Dear déçoit en Don Pedro et que Bruno Pratico insupporte en Somarone. Bonnes interventions du chœur (préparé par Alfonso Caiani) et des comédiens Pierre Barrat (Leonato) et Sébastien Dutrieux (Don Juan).
 
François Lesueur
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Berlioz : Béatrice et Bénédict – Toulouse, Théâtre du Capitole, 7 octobre, dernière représentation le 11 octobre 2016 / www.theatreducapitole.fr
 
Photo : Aimery Lefèvre (Claudio), Lauren Snouffer (Héro) © Patrice Nin
 
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