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Bastien et Bastienne par l’Académie de l’Opéra de Paris à l’Amphithéâtre de la Bastille - Forain et joueur - Compte-rendu

Composé par un Mozart de douze ans, le petit Singspiel Bastien et Bastienne est souvent donné de nos jours comme un opéra pour enfants. Le sujet s’y prête, qui conte les amours gentiment contrariées d’une bergère et de son berger, qu’un magicien sera chargé de remettre en bon ordre. Une bluette d’une petite heure sans véritable drame, sur une musique de même teneur, mais qui n’était pas un véritable « opéra pour enfants », genre qui n’existait pas encore, même si son auteur était d’âge enfantin.
 
Pour sa nouvelle production lyrique, l’Académie de l’Opéra de Paris se conforme aux habitudes, en proposant un spectacle tout public avec des matinées spécialement réservées aux scolaires. Avec bonheur. Pour l’occasion, le livret est traduit en français, en conformité avec l’esprit d’un ouvrage conçu pour un accès immédiat, par les soins de Mirabelle Ordinaire, par ailleurs metteur en scène du spectacle. Les mots visent juste, dans un langage accessible, en particulier pour les passages parlés inhérents à tout Singspiel.

© Agathe Poupeney / Opéra national de Paris
Et la mise en scène vise juste tout autant, plantée, à l’Amphithéâtre de la Bastille, dans un décor de fête foraine avec cahutes de tours de magie et de loterie, fanions et ampoules scintillantes, dans des couleurs bariolées. Un décor de jeu, comme les enfants savent le goûter, propre aux quelques mouvements et effets de lumières. L’œuvre n’en demande pas plus, ici dans une transmission directe. Il est amusant, également, de noter que Wozzeck repris au même moment dans la grande salle de Bastille, est campé pareillement dans un baraquement de fête foraine. À croire que la grande maison lyrique parisienne s’est ingéniée à chercher un lien entre ces deux œuvres parfaitement dissemblables, après tout sur un même sujet d’amours perturbées ! Mais la comparaison s’arrête là, et si coïncidence il y a, elle semble bien être fortuite.
 
Ce spectacle est surtout l’occasion de s’exprimer pour les forces juvéniles de l’Académie. La douzaine d’instrumentistes s’acquitte de sa tâche avec à-propos, sous la battue régulière d’Iñaki Encina Oyón. Et les chanteurs, ici réduits aux trois seuls personnages, ne faillissent pas. Pauline Texier et Juan de Dios Mateos, dont nous avions déjà pu apprécier le talent confirmé, en particulier dans les récentes Fêtes d’Hébé (1), épanchent un chant maîtrisé, avec de beaux élans pour la soprano et un legato lisse pour le ténor. Andriy Gnatiuk semble moins à son aise dans l’élocution française, mais projette ses airs d’un timbre ferme de baryton-basse, pour Colas, le magicien entremetteur qui en annonce d’autres chez Mozart (comme Don Alfonso, dans Così fan tutte). Mieux qu’un spectacle d’école. Les scolaires qui remplissent les gradins l’entendent ainsi, qui ne se privent pas d’applaudir et marquent le moment d’une attention soutenue. Une des missions affichées aussi de l’Opéra de Paris, que celle d’initier un jeune public à l’art lyrique. Mission remplie.
 
Pierre-René Serna

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Mozart : Bastien et Bastienne – Amphithéâtre de l’Opéra Bastille, Paris, 10 mai 2017 ; prochaines représentations : 12, 13, 17, 19, 20 mai (pour tout public à 20h)  & 15, 18, 22 mai 2017 (pour public scolaire à 14h). www.operadeparis.fr/saison-16-17/jeune-public/bastien-et-bastienne
 
1) Voir notre compte-rendu :
www.concertclassic.com/article/les-fetes-dhebe-par-lacademie-de-lopera-de-paris-lamphitheatre-de-la-bastille-vivacite-et

Photo © Agathe Poupeney

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