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Armide de Lully à l’Opéra royal de Versailles - Entre fidélité et trahison- Compte-rendu

Suivant la politique d’importation de productions qui prévaut à l’Opéra royal de Versailles depuis sa réouverture et le retour des spectacles scéniques dans cet écrin dix-huitième aux dimensions idéales pour le répertoire baroque, c’est une réalisation canadienne de l’Armide de Lully qui nous est proposée. Renouant avec l’usage du genre, Marshall Pynkoski convoque les danseurs de l’Atelier Ballet, vêtus de chatoyantes chamarres, pour meubler les nombreux divertissements qui ponctuent l’ouvrage. Mais ce serait se tromper que d’y voir un projet de reconstitution historique, quand bien même les pas empruntent au vocabulaire de la danse baroque.

Certes, les décors orientalisant de Gerard Gauci, avec les imitations macroscopiques de calligraphies perses contemporaines de l’ouvrage sur panneaux, situent avec à-propos et une certaine élégance l’action dans ce Moyen-Orient de l’an mille, carrefour des imaginaires autant que des prétentions religieuses qui nourrit le poème du Tasse. Mais pourquoi fallait-il pousser l’exubérance jusqu’à ces Enfers tout en fluorescences de carton-pâte plus proche de Walt Disney que des élucubrations du Greco ? Si la complémentarité entre le jeu théâtral et la chorégraphie concentre l’attention avec efficacité, il n’en reste pas moins qu’en éludant le Prologue, on resserre l’intrigue mais on trahit la structure même de la tragédie lyrique, si ce n’est sa nature et son orientation herméneutique.

Soutenu par la direction équilibrée de David Fallis, à la tête d’un Tafelmusik Baroque Orchestra agréablement galbé et coloré, le plateau vocal séduit par ses qualités expressives, plus que par une diction généralement convenable, sans pour autant atteindre l’irréprochable. Et en premier lieu celles de l’héroïne éponyme, incarnée par Peggy Kriha Dye qui y déploie un nuancier psychologique captivant jusque dans un grain de voix qui frôle parfois la rudesse. Doué d’une lumineuse blondeur idéale pour Renaud, Colin Ainsworth retient l’œil et l’oreille d’une manière également favorable.

Le reste de la distribution complète convenablement le tableau : João Fernandes (Hidraot), Vasil Garvanliev (Aronte), Curtis Sullivan (La Haine), Aaron Ferguson (Le Chevalier Danois), Olivier Laquerre (Artemidore et Chevalier Ubalde), Meghan Lindsay (Sidonie et Nymphe Des Eaux), Carla Huhtanen (Phenice et Lucinde). Mentionnons enfin les exemplaires Chantres du Centre de musique baroque de Versailles, garants de l’intégrité stylistique des ensembles, préparés avec soin par leur Olivier Schneebeli.

Gilles Charlassier

Lully : Armide – Versailles, Opéra Royal, 13 mai 2012

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Photo : Bruce Zinger
 

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