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Ariane et Barbe bleue et Pelléas en version de concert à Paris - Selon Maeterlinck


Literaturoper disent les Allemands. Si le genre a fleuri dans les pays germaniques (Strauss, Berg, Zemlinsky) et en Italie (Zandonai, Respighi), la France ne l’a qu’effleuré grâce à Maurice Maeterlinck qui inspirera deux chefs-d’œuvre : le Pelléas et Mélisande de Debussy, et l’Ariane et Barbe-Bleue de Dukas.

Littérature oui, même dans le style si particulier du poète des Serres chaudes, mais opéra ? Si Debussy produit tout à la fois un manifeste (involontaire ?) contre le style lyrique réaliste et les fantômes du grand opéra, Dukas pense encore moins théâtre. Il avait hérité du livret après le désistement de Grieg auquel Maeterlinck destinait sa pièce. A mesure que s’écoulèrent les sept années qui virent l’ouvrage s’écrire, le théâtre s’en retira pour faire place à une symphonie avec voix à l’orchestre profus qui retiendra toute l’attention d’Olivier Messiaen.

Et lorsqu’il parut sur la scène de l’Opéra Comique le 10 mai 1907, avec l’Ariane de Georgette Leblanc littéralement dépassée par les exigences du compositeur, critique et public eurent le sentiment que sa place n’était pas vraiment au théâtre.

Le rapprochement entre les deux ouvrages qu’autorise cette programmation en écho (peu probable qu’elle ait été concertée une des soirées Pelléas oblitérant l’unique présentation d’Ariane) est révélateur : Si Ariane et Barbe-bleue se passe assez bien de la scène, toute entière portée par la clarté de sa construction symphonique, Pelléas et Mélisande appelle tout de même un décor et une action aussi minimaux soient-il : après tout, il y a mort d’homme. Cela explique en partie la carrière qu’a connue l’ouvrage de Debussy et excuse l’oubli relatif qui a recouvert celui de Dukas.

Ariane sera incarnée par Jennifer Ann Wilson, remplaçant une très attendue Béatrice Uria-Monzon (a-t-elle eu froid aux yeux ? défaut rédhibitoire pour une Ariane). Grand soprano dramatique, l’américaine s’est vouée depuis quelques saisons à Brünnhilde et à Turandot, elle aura les moyens de tenir un rôle épuisant par sa longueur et ses écarts de tessitures redoutable. Mais trouvera-t-elle le style, et surtout la langue si particulière de Maeterlinck  comme jadis Suzanne Balguerie ou Germaine Lubin ? On sait qu’elle aura en tous cas une répartie de classe avec la Nourrice de Delphine Haidan. Nicolas Cavalier pour les quelques mots, c’est du luxe ! Et on reste très curieux de la direction de Jean Deroyer (photo) à la tête des Chœurs et de l’Orchestre Philharmonique de Radio France, le sachant si versé dans la musique de son temps. Fera-t-il enfin sonner l’orchestre de Dukas dans toutes ses ambiguïtés ?

Si le tout Paris mélo-maniaque ne se pressera pas au chevet d’Ariane, il ne manquera pas d’envahir le Théâtre des Champs-Élysées pour célébrer l’idole Nathalie Dessay. Pourtant ce que l’on sait de sa Mélisande volontaire et surlignée nous laisse dubitatif. Aura-t-elle trouvé depuis les représentations viennoises ce naturel qui lui manquait tant ici ? On savourera en tous cas le Pelléas de Simon Keenlyside, le reste de la distribution étant bien connu : Laurent Naouri en Golaud, Marie-Nicole Lemieux pour la lettre de Geneviève, l’Arkel parfait d’Alain Vernhes devraient être inspirés par la direction de Louis Langrée qui aime son Pelléas dense et tragique. Entraînera-t-il l’Orchestre de Paris dans son théâtre imaginaire ?

Jean-Charles Hoffelé

Paul Dukas : Ariane et Barbe-Bleue

Paris, Salle Pleyel

Le 15 avril 2011 – 20h

www.sallepleyel.com

Claude Debussy : Pelléas et Mélisande

Paris, Théâtre des Champs-Elysées

Les 15 et 17 avril 2011 – 20h

www.theatrechampselysees.fr

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Photo : Raphaël Pierre

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