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Annick Massis en récital au musée d’Orsay – Courtisane modèle – Compte-rendu

Annick Massis n’avait jamais encore chanté à l'Auditorium du musée d'Orsay, aussi était-il grand temps de réparer cette incompréhensible négligence. Même si sa carrière s'est principalement construite à l'opéra, la cantatrice française est toujours restée attachée au récital. En lien avec l'exposition « Splendeurs et misères » (1), Annick Massis et son accompagnateur Antoine Palloc ont donc bâti un programme sur le thème de la courtisane.

Belle idée que d'avoir ressorti des limbes de l'oubli les Quatre chansons de geishas d'Henri Tomasi (1935), idéales pour mettre en valeur la voix délicieusement mutine et colorée de la soprano, qui scande avec charme et précision la musique ciselée de ce cycle, sur des textes un rien datés de René Dumesnil. Après la geisha, l'Orient de l'hôtesse arabe (Bizet) et La captive (Berlioz) ont permis à l'interprète de déployer plus largement sa palette expressive et d'élargir sa tessiture. La rare et magnifique Medjé de Gounod, portrait saisissant d'un homme abandonné par celle qu'il a aimée, déclamé dans un français superbe concluait cet hommage à la musique française, avant d'opérer un subtil glissement vers l’Italie avec d’abord un admirable lamento de Bajazet (Vivaldi), « Sposa son disprezzata », à la maille vocale tenue serrée, grâce à un souffle infini et de magnifiques vocalises.
 
Technicienne toujours aussi accomplie, Massis ne pouvait écarter la plus fameuse courtisane de l'histoire de la Littérature (La Dame aux camélias), devenue Violetta Valery pour La Traviata, héroïne sacrificielle sublimée par Verdi. Malgré un léger refroidissement et de fréquents accès de toux, la cantatrice s'est merveilleusement acquittée de « L'addio del passato » moment fort et émouvant, interprété avec une imperturbable rigueur stylistique, archet à la corde, sans le moindre compromis.

Restait pour terminer la soirée, la longue et périlleuse scène de folie d'Anna Bolena de Donizetti. Malgré un accompagnement un peu raide, le jeu d'Antoine Palloc convenant davantage à la mélodie qu'au lyrique, Annick Massis a donné le meilleur de son art dans ce sommet du bel canto, la richesse de son timbre, la profondeur de son expression et la qualité de son exécution hissant très haut sa prestation. Revenant à elle après s'être remémoré son passé (« Al dolce guidami ») et avant d’être exécutée, l'épouse d'Henri VIII retrouvait toute sa fougue pour maudire le couple inique qui doit lui succéder ; Massis totalement libérée s'est alors lancée avec bonheur dans un virtuose « Coppia iniqua », couronné par un mi bémol qui a surpris en premier lieu l'intéressée et enthousiasmé par ricochet la salle.
 
Fatiguée mais heureuse de n'avoir pas eu à capituler, la cantatrice à offert deux bis, « La pastorella delle Alpi » de Rossini, morceau cher à Sutherland, puis « Ah quelle triste destinée » tiré d'Orphée aux Enfers d'Offenbach ; un régal !
 
François Lesueur

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(1) Lire l’article www.concertclassic.com/article/autour-de-lexposition-splendeurs-et-miseres-au-musee-dorsay-le-plus-vieux-metier-du-monde-et
 
Paris – Auditorium du musée d’Orsay, 8 octobre 2015

Photo © Gianni Ugolini

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