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Alan Gilbert dirige l’Orchestre Philharmonique de New York - Beaucoup de bruit pour rien – Compte-rendu

Alan Gilbert

Accueilli comme le Messie en 2009 et premier New-Yorkais à occuper la fonction de Directeur musical de l’Orchestre Philharmonique de New York, Alan Gilbert quittera son poste en 2017. Les deux concerts donnés à la Philharmonie de Paris laissent dubitatif sur sa capacité à dépasser la lecture probe des œuvres qu’il interprète et à rendre ses lettres de noblesse à une phalange qui peut pourtant briller de tous ses feux.
 
Hormis le virtuose de Nyx (2010) de Salonen où le chef, d’une gestique systématique et précise, parvient à saisir l’auditoire, le reste du programme n’emporte guère l’adhésion. Les Valses nobles et sentimentales de Ravel manquent d’élégance et d’esprit français, la Suite du Chevalier à la rose de Richard Strauss, légèrement remaniée, s’éternise et la Grande Valse du Lac des Cygnes pèse des tonnes. Petrouchka de Stravinski paraît séquentiel, Jeux de Debussy relève plus un match entre Connors et Lendl que d’un échange à fleurets mouchetés fluide et subtil. Quant à la Suite du Mandarin merveilleux de Bartók, elle démarre sur les chapeaux de roues sans l’agressivité et la verdeur que l’on attend, pour déboucher sur une course fracassante dont le caractère orgiaque est exclu. L’Ouverture d’Egmont de Beethoven perd son sens narratif et n’impressionne que par sa virtuosité extérieure.
 
La présence de Joyce DiDonato fait heureusement figure de rayon de soleil au sein de cet univers monotone et univoque. Shéhérazade de Ravel prend grâce à elle progressivement ses marques pour culminer dans L’Indifférent où la mezzo-soprano se libère du poids de l’événement. En bis, Morgen de Richard Strauss apporte une note d’émotion par la qualité de la ligne de chant et la sensibilité qui s’y exprime. Autre moment de bonheur et de fantaisie quand cinq cuivres de l’orchestre entonnent, façon jazz band, un morceau de Duke Ellington. Cela ne retire rien au sentiment de frustration que l’on ressent à l’écoute de musiciens d’excellence (le trompettiste, le flûtiste, le clarinettiste, la violoniste soliste, le timbalier…). S’ils font individuellement des miracles, ils ne peuvent empêcher la déception provoquée par une belle américaine conduite sans génie.   
 
Michel Le Naour
 
Paris, Philharmonie 1, 25 et 26 avril 2015

Photo © Chris Lee

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