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Akira Tamba célébré à la Maison de la Culture du Japon à Paris – Sous le signe du Nô – Compte-rendu

On ne redira jamais assez le rôle irremplaçable de la Maison de la Culture du Japon à Paris, fenêtre grande ouverte sur la culture nippone dans toute sa diversité et son prodigieux raffinement. Les 17 et 18 novembre Kyûtaro Hashioka IX et sa troupe y ont présenté deux splendides soirées mêlant Kyôgen et Nô (dont le célèbre Aoi no Ue lors de la seconde). Quelques jours auparavant, un concert intitulé « Du mysticisme à l’autre rive, avec Satie » mêlait des pages du maître d’Arcueil à celles d’auteurs japonais, Akira Tamba (photo) en particulier – un ancien élève de Tony Aubin et Olivier Messiaen au début des années 1960 au Conservatoire de Paris.
 Né en 1932, l’artiste est sans doute plus connu en France comme auteur d’ouvrages de référence sur la musique traditionnelle japonaise – « La structure musicale du Nô » (Klincksieck) et « La théorie et l’esthétique musicale japonaise, du 8ème à la fin du 19e siècle » (Publications orientalistes de France) en particulier – qu’en tant que compositeur.
 
Tamba avait déjà été fêté à la Maison de la Culture du Japon en avril dernier(1) à l’occasion d’un concert-portrait interprété par quatre archets membres de l’Orchestre de Paris (Eiichi Chijiiwa, Jean-Pierre Lacour, Denis Bouez, François Michel) et la pianiste Anne Gaëls  – d’une inventivité et d’une musicalité peu communes, la création vidéo de Yuka Toyoshima et Claire Roygnan qui « habillait » les œuvres a beaucoup ajouté à la réussite de l’entreprise.
 Cet hommage à Tamba soulignait la profonde évolution du musicien, de sa 3ème Sonate pour violon et piano (1962), très imprégnée de musique française, à Tétrachronie pour trio à cordes et piano, ouvrage de 2008 qui se fonde, selon son auteur, « sur le système de composition psycho-physiologique [qu’il a] adopté depuis 1968, au confluent de l’écriture déterminé de la musique classique occidentale et le système indéterminé de la musique du . »
 
La prégnante influence de ce dernier s’est illustrée plus récemment dans Shiramine, ambitieux ouvrage en trois actes et douze scènes (pour près d’une centaine d’interprètes ; orchestre, chanteurs, chœur & ballet) dont la création a eu lieu le 21 septembre 2014 au sanctuaire Shiramine-jingû de Kyoto, en commémoration du 850e anniversaire de la mort de l’empereur Sûtoku, déchu à 27 ans et mort exilé sur l’île de Shikoku à 47 ans.
 
Après une première partie de soirée – sous le signe du dépouillement –  réunissant des ouvrages de Satie par Jun Kanno ( piano), Patrick Sygmanowski (piano) – remarquables dans les Gnossiennes n° 4 et 5 respectivement, puis à quatre mains dans les Morceaux en forme de poire –, Atsuko Watanabe (violon) et Marie Kobayashi (mezzo), mais aussi de Susumu Yoshida (l’ascétique Kodama ; Esprit de l’arbre, pour violon solo) et de Tokuhide Niimi (Sonitus Vitalis I pour violon et piano) par A. Watanabe et P. Zygmanowski, l’auditeur était prêt à passer ... « sur l’autre rive » avec le troisième acte de Shiramine dont Akira Tamba a réalisé une version réduite pour ténor, baryton, chœur de huit voix, ondes Martenot – il n’est pas ancien élève de Messiaen pour rien ! –, guitare électrique, clavier numérique et percussions.
 
Intitulé « Les cimes blanches », le dernier volet de Shiramine met en scène le dialogue entre l’esprit de l’empereur Sûtoku et le moine-poète Saigyô. Un dialogue intense et contrasté qu’interprètent avec conviction le ténor Akeo Hasegawa (l’esprit du Sûtoku) et le baryton Moto Takenouchi (Saigyô), portés par la riche partition de Tamba. Les musiciens ne chôment pas si l’on peut dire, et en particulier le percussionniste Maxime Maillot, attentif à la battue du chef Hikotaro Yazaki et d’une virtuosité simplement bluffante. Mais Pascale Rousse-Lacordaire (ondes Martenot), Claude Pavy (guitare) et P. Zygmanowski (clavier) contribuent beaucoup aussi au foisonnement et à la progression d’une pièce étonnante, où le chœur (2) n’occupe qu’un rôle modeste – pour une intervention aussi tardive que remarquée.
Une passionnante et dépaysante découverte !
 
Alain Cochard

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(1) Le concert « Akira Tamba et ses amis, 50 ans de présence en France » a eu lieu le 1er avril 2016
 (2)Il était ici constitué de  Mao Nishizawa, Ai Adachi, Marie Kobayashi, Guillaume Zabé, Kengo Ishiyama, Hiroshi Hamada & Sévag Tachdjian
 
Paris – Maison de la Culture du Japon (Grande Salle), 10 novembre 2016.
 
Site de la Maison de la Culture du Japon en France : www.mcjp.fr
 
Photo Akira Tamba © Isabelle de Rouville

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