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Actéon et Dido and Aeneas dirigés par Christophe Roussset au Festival de Beaune - Comme neufs - Compte-rendu

Le Festival de Beaune étrenne le dernier concert conçu par Christophe Rousset (photo), en forme de défi, convoquant deux opéras a priori dissemblables bien que contemporains : Actéon de Marc-Antoine Charpentier et Dido and Aeneas de Purcell. Ou une pastorale héroïque à l’apogée du grand style lyrique à la française et de la maturité de Charpentier (en 1684) ; et le premier opéra, si tant que cela en soit bien un, de l’Histoire de la musique anglaise (cinq ans peu après, en 1689). Deux opéras brefs et deux chefs-d’œuvre tout autant, quand bien même le premier n’est pas une absolue nouveauté et si le second ne semble plus à redécouvrir.
 
Erreur ! Car c’est tout le talent à multiples facettes de Rousset qui est ici à l’œuvre. Et ce, avec les mêmes composants interprétatifs : son orchestre des Talens Lyriques et une identique distribution vocale de dix chanteurs internationaux. L’œuvre de Charpentier, tirée des Métamorphoses d’Ovide qui confronte le malheureux Actéon à Diane, en resurgit vibrante et éclatante parmi ses transports inspirés, dans une émotion à couper le souffle ; quand Purcell prend une dimension hautement tragique, qui en renouvelle un propos que l’on croyait éculé. Il n’est pas jusqu’à l’adéquation linguistique, tout autant que stylistique, qui ne se mette au service de deux esthétiques tant différentes, dans un français « Grand Siècle » impeccable puis une élocution anglaise qui l’est tout pareillement. Une forme d’exploit !
 
Face à un orchestre qui distille fureur ou poésie, les solistes vocaux, éminemment choisis, rencontrent une même texture. Haute-contre à la française et ténor, Mark Milhofer confère une vigueur resplendissante à Actéon tout en campant fermement l’épisodique marin de Purcell. Un chanteur d’exception, de style et d’expression. Vivica Genaux confirme sa belle pointure vocale pour une Didon de grande tragédienne éprouvée. Daniela Skorka, Pauline Sikirdji et Étienne Bazola leur donnent des répliques idoines à travers de magnifiques élans. Seul Yaïr Polishook achoppe quelque peu, baryton caverneux, dans un port de voix alla Puccini assez déplacé pour son Énée, mais solidement tenu. Et tous de se combiner à la perfection pour former les chœurs élaborés et changeants qu’exigent les deux œuvres. Le public qui emplit jusqu’au dernier siège de la médiévale cour des Hospices, réserve un accueil triomphal des plus mérités. Pour la plus grande gloire de Charpentier et de Purcell, indûment réunis n’était l’incomparable savoir-faire de Rousset.
 
Pierre-René Serna

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Charpentier : Actéon / Purcell : Dido and Aeneas (en versión de concert) - Festival de Beaune, cour des Hospices, 9 juillet 2016 / www.festivalbeaune.com
 
Reprise du programme pour la première édition du festival baroque Meet in Galilee, à Saint-Jean-d’Acre, le 25 septembre ; et au Théâtre des Champs-Élysées, à Paris, le 1er octobre.

Photo © Eric Larrayadieu

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