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7ème Concours Nadia et Lili Boulanger - Au bonheur de la mélodie - Compte-rendu

Les amoureux de mélodie et de lied avaient il y a peu rendez-vous au Conservatoire d’Art Dramatique pour le Concours Nadia et Lili Boulanger, suivi comme tous les ans par un public nombreux et passionné. Une 7ème édition qui prenait une résonance particulière car elle coïncidait avec le centenaire du Prix de Rome de Lili Boulanger – première femme à avoir obtenu cette récompense -, mais saluait aussi la mémoire du pianiste Noël Lee, décédé en juillet dernier - le Prix de Lied a été rebaptisé « Prix de Lied-Prix Noël Lee ».

Des 28 duos chant-piano présents sur la ligne le départ, le jury (présidé par le chef d’orchestre Ronald Zollmann et constitué de Mireille Delunsch, Helmut Deutsch, Wolfgang Holzmair, Kevin Murphy, Anne Queffélec, Jean-Paul Sévilla, Jennifer Smith et José Van Dam) en avait retenu cinq pour la finale.

De façon incontestable, la soprano suisso-belge Chiara Skerath (26 ans) et la pianiste Mary Olivon (32 ans, Fr.) remportent le Grand Prix de Duo Chant-Piano (1). Comment ne pas être séduit par une artiste qui allie richesse et chaleur de la voix, présence scénique, musicalité et connaissance des styles. Son In der Fremde (Schumann) convainc autant que Suleika (Schubert), ou encore une très réussie Zigeunerin (Wolf). Parmi les pièces en langue allemande, elle livre aussi la plus originale interprétation du superbe Nachtlied composé spécialement pour le 7ème Concours par Philippe Hersant sur un poème de Trakl. On n’est pas moins touché par le charme ambigu de Mon cadavre est doux comme un gant (Poulenc) et par la prégnante émotion qui se dégage de Recueillement (Debussy). Fin de programme solaire avec Marechiare de Tosti, enlevé avec un « chien » pour le moins irrésistible ! D’un bout à l’autre, l’attention et le jeu sobrement expressif et bien timbré de Mary Olivon auront été des atouts de poids pour la soprano.

Remarquable de complicité aussi, le piano de Pierre-Yves Hodique (un artiste français de 25 ans, qui travaille par ailleurs beaucoup avec le violoncelliste Edgar Moreau) est le partenaire du baryton Samuel Hasselhorn. 23 ans seulement : le jeune artiste allemand manque encore d’aisance scénique. Faisons abstraction d’une attitude un peu raide, bras le long du corps, pour saluer sa musicalité, son expressivité dénuée d’emphase. Hasselhorn est chez lui dans Belsatzar (Schumann), Von ewiger Liebe (Brahms), Der Zwerg et Die Taubenpost (Schubert) ou encore Nachtlied, mais Le Promenoir des deux amants (Debussy) montre ses affinités avec le répertoire français. Le Prix de Lied-Prix Noël Lee revient au Duo Hasselhorn-Hodique.

Seule chanteuse française en finale, Clémentine Découture (28 ans) se présente au côté du piano bien sage de Nicolas Chevereau (25 ans, Fr.). La voix et le tempérament de la soprano conviennent mieux aux pages de Massenet, Hahn, Fauré, Poulenc qu’à Wolf, Brahms, Beethoven ou Britten, mais on imagine que c’est justement le piquant très hexagonal de la jeune artiste qui a motivé le jury pour l’attribution du Prix de la Mélodie. On ne s’étonne d’ailleurs pas d’apprendre que Clémentine Découture appartient à l’équipe qui s’apprête à faire revivre le délicieux Petit Faust de Hervé sur la scène du Théâtre Déjazet (2).

On n’oubliera pas enfin de saluer les deux autres duos présents. Ils repartent sans récompense - c’est la rude loi des concours - , mais avons été sensible à la pureté de timbre, à la présence et à la classe de la soprano coréenne Anna Sohn (32 ans), accompagnée par Valeria Suchkova-Monfort ( 27 ans, R.), au charme et à la finesse de Heather Newhouse (32 ans) en duo avec la pianiste japonaise Naoko Jo (32 ans). Avec Demain fera un an (ext. de Clairières dans le ciel), la soprano canadienne aura été seule à interpréter – et de magnifique façon ! – une pièce de Lili Boulanger lors de la finale.

Alain Cochard

Paris, Conservatoire d’Art Dramatique, 10 novembre 2013

(1) Le Grand Prix de Duo Chant-Piano est doté d’un montant de 12 000 €, le Prix de Lied-Prix Noël Lee 6000 €, le Prix de Mélodie 6000 €

(2) Le Petit Faust de Hervé (1822-1892) sera donné par la Compagnies Les Frivolités Parisiennes (dont on avait remarqué L’Ambassadrice d’Auber en janvier dernier à L’Alhambra) du 17 au 26 janvier 2014/ Rens. www.lesfrivolitesparisiennes.com Site du Concours Nadia et Lili Boulanger : www.cnlb.fr

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Photo : Claude Perrain / Centre International Nadia et Lili Boulanger (De gauche à droite : Samuel Hasselhorn, Pierre-Yves Hodique, Chiara Skerath, Mary Olivon, Clémentine Découture, Nicolas Chevereau)
 

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