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39e Festival Piano aux Jacobins – Jeunesse, curiosité et goût de l’inattendu

On ne change pas une formule qui marche ! Depuis 1980, année de naissance de Piano aux Jacobins, Catherine d’Argoubet et Paul-Arnaud Péjouan, co-fondateurs et co-directeurs artistiques du festival toulousain, demeurent fidèles à un dosage de la programmation qui mêle avec bonheur des artistes célèbres à de jeunes interprètes en plein envol, mais aussi à des pianistes plus avancés en âge, souvent très réputés hors de nos frontières et qui ne remportent pas toujours chez nous le succès qu’ils mériteraient.

 

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Joaquín Achucarro © DR

Ainsi l’Espagnol Joaquín Achúcarro, immense musicien, ami et profondément admiré de feue Alicia de Larrocha comme de Sir Simon Rattle, est-il d’abord connu des aficionados français du piano et splendidement ignoré de nos orchestres nationaux (à l’exception de l’Orchestre national de Lille) et des saisons dédiées à l’instrument. Tant pis pour eux ! Piano aux Jacobins, quant à lui, ne risquait pas de passer à côté du 85e anniversaire du maître et, tandis qu’un très beau récital Chopin (comprenant en particulier les Préludes op. 28) paraît chez La Dolce Volta (qui a déjà édité un album Schumann ; l’une des plus belles versions qui soient de la Fantaisie et des Kreisleriana), c’est à cet artiste que revient d’inaugurer (le 5/09) le 39e Festival. Une soirée – entièrement chopinienne –, pleine d’humanité et de noblesse, se profile. Artur Rubinstein n’avait pas adoubé Achúcarro par hasard ...

Bertrand Chamayou © Marco Borggreve

Inutile de présenter Alexandre Tharaud ou Bertrand Chamayou, tous deux à l’affiche cette année. S’agissant du second, toulousain comme chacun sait, on se souvient que Jacobins a été parmi les premiers festivals français, sinon le premier, à lui faire confiance. Un lien d’une grande force s’est de ce fait noué entre l’artiste et la manifestation, souvent illustré par des projets hors normes. Pour ceux qui eurent la chance d’y assister, le souvenir du fabuleux « Concert Dédale » au Musée des Abattoirs en 2010 demeure, intact, à l’instar de celui du frisson poétique qui parcourait l’intégrale des Années de pèlerinage de Liszt en 2011.
Une expérience singulière attend le public une fois de plus avec un spectacle mêlant chorégraphie et musique, au cours duquel la danseuse Elodie Sicard dialoguera avec la musique de John Cage, tandis que B. Chamayou alternera entre des pianos différemment « préparés ».

Joseph Moog © Marc Mitchell

Des expériences aussi originales sont rendues possibles grâce à la confiance d’un public fidèle. Sa curiosité autorise aussi le pari de la jeunesse (conforté il est vrai par le soutien, essentiel, de la Fondation BNP Paribas et du Palazzetto Bru Zane) que Piano aux Jacobins fait cette année comme toujours en recevant des artistes tels que Joseph Moog (l’une des plus intéressantes personnalités de la nouvelle génération pianistique allemande), Ishay Shaer, Teo Gheorghiu (photo, splendide poète musicien pour la troisième fois invité du festival), Célia Oneto Bensaid (dont un tonique disque Gershwin/Bernstein vient tout juste de sortir, chez Soupir Editions), Jean-Paul Gasparian, Alberto Ferro (repéré au Reine Elisabeth en 2016 et au Clara Haskil l’an dernier), Marie-Ange Nguci ou Ido Ramot.

Francesco Tristano © Marie Staggat

On note avec bonheur également la présence de Geoffroy Couteau, Sergei Babayan, Elena Bashkirova, Steven Osborne, Varvara, Luis Fernando Pérez (pour un passionnant programme franco-espagnol) et Jean-Baptiste Fonlupt, formidable interprète qu’il serait temps que la France reconnaisse à sa juste valeur, ce qu’un chef tel que Valery Gergiev a fait depuis un moment déjà – il est vrai que le pays des Lumières ne brille pas toujours par la clairvoyance en matière musicale ... Et on n’oublie pas le jazz, très présent cette fois avec Aldo López Gavilán, Jean-Marie Machado, Rémi Panossian et Amaury Faye.
Enfin, les amateurs d’inattendu trouveront sûrement de quoi se satisfaire en se laissant entraîner par Francesco Tristano dans une de ces promenades entre piano et électro dont il a le secret, ou encore lors de la soirée Moondog (1) proposée par Nicolas Horvath. Celle-ci marque l’ouverture d’une saison à la gloire du « Clochard céleste » regroupant nombres d’institution toulousaines, qui connaîtra son point d’orgue lors un concert de l’Orchestre national du Capitole fin juin 2019.
Réjouissante et salutaire diversité – à laquelle la plasticienne Alix Le Méléder apporte sa touche de couleur.
 
Alain Cochard

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(1) Surnom de Louis Thomas Hardin (1916-1999), figure inclassable qui a exercé une grande influence sur les « minimalistes » étatsuniens.

39e Festival Piano aux Jacobins
Du 5 au 28 septembre 2018
Toulouse – Cloître des Jacobins, Saint-Pierre des Cuisine et autres lieux
www.pianojacobins.com

Photo © Roshan Adhihetty

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