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10ème Festival « Piano à Saint-Ursanne » – Bijou suisse - Compte-rendu

Secret encore – trop – bien gardé pour les mélomanes français que le Festival « Piano à Saint-Ursanne ». A une grosse demi-heure de voiture de la gare TGV Belfort/Montbéliard, la petite cité médiévale du Jura suisse, sise sur les bords du Doubs, réserve d’abord le plus paisible et plus souriant accueil. Sacré dépaysement – ô combien agréable - pour celui qui débarque de l’atmosphère plus agitée des festivals du Sud de la France. On comprend qu’un ancien Secrétaire Général des Nations Unies et son épouse prennent quelques vacances à Saint-Ursanne tous les ans…

Depuis une décennie, le piano y est en fête chaque été avec un Festival lancé en 2004 et dont Vincent Baume assure depuis 2007 la direction (avec à ses côtés depuis 2011 Dana Ciocarlie dans le rôle de conseillère artistique), entouré d’une équipe de bénévoles dont la fidélité n’a d’égal que l’enthousiasme. Magie d’un lieu aussi : le cloître du XIIème siècle accueille la presque totalité des concerts dans des conditions acoustiques idéales.

Un lieu « inspirant », dit Michel Dalberto d’un endroit où il se produit régulièrement depuis 2007. Mozart et Schubert sont en l’occurrence les témoins des excellentes dispositions dans lesquelles Saint-Ursanne met les interprètes. Si La Fantaisie en ut mineur et la Sonate de la même tonalité occupent la première partie du concert le pianiste, plutôt que de les enchaîner, les sépare par le Rondo en la mineur KV 511. Excellente option dont l’équilibre général permet de mieux goûter à une conception dense, virile, tantôt lyrique tantôt violente et rageuse – en un mot très opératique - dans les KV 475 et 457, tandis que le Rondo, pris dans un tempo allant, offre un intermède bienvenu, d’une expressivité naturelle et jamais surlignée.

Retrouvailles réussies entre Michel Dalberto et la Sonate en sol majeur D 894 « Fantaisie » que le pianiste n’avait pas donnée en concert depuis quelques années. Les affinités de l’interprète avec l’univers schubertien ne sont plus à démontrer. Murmure des premières mesures ; une œuvre-monde commence à se déployer, tenue jusqu’à son terme avec une clarté de ligne, un imagination sonore et sens des contrastes qui donnent toute sa signification au terme « Fantaisie » et prennent plus de force encore dans un cadre aussi magique.

Impossible d’installer un orchestre dans le cloître. Chaque année, Piano à Saint-Ursanne abandonne donc pour un soir son bel écrin pour une rituelle « Nuit du Concerto » dans la collégiale attenante au cloître. L’Orchestre International de Genève et le chef Nicolas Farine (remarqué la saison passée au Angers Nantes Opéra dans La Rose blanche de Zimmermann) sont comme de coutume au rendez-vous pour un programme regroupant trois solistes et trois concertos. Avec une clarté pleine de sensibilité, Christiane Baume-Sanglard ouvre la soirée avec le 23ème Concerto de Mozart, avant que Caspar Frantz ne signe un interprétation très pêchue du Concerto en ré mineur BWV 1054 de Bach. Copieux prélude à la seconde partie, la Sérénade pour cordes op 48 de Tchaïkovski est menée avec un souffle et un lyrisme jamais larmoyant par Nicolas Farine, qui obtient le meilleur des jeunes membres de sa formation. Le pianiste ouzbek Michail Lifits conclut avec un Concerto n°2 de Chopin fringant, élancé et d’un vibrant lyrisme dans son Larghetto.

Alain Cochard

Saint-Ursanne (Suisse) – Cloître et Collégiale, les 8 et 9 août 2013

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Photo : © Bechstein
 

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